Philippe, Catherine, Dominique, Jean Louis, Manuel, Alain, ils sont six, leur dernier pilier vient de s’effondrer, lentement, avec douceur, sans faire de bruit, sans déranger. En fait, ils sont bien plus, ils sont 27 maintenant issus de cette rencontre du printemps 1944 au milieu des dunes de Saint Trojan parsemées des oyats balancée par les vents d’ouest ou peut être sur l’un de ces chemins de sable qui balafrent la forêt des pins maritimes mutilés par les saignées de sève à l’odeur enivrante. Cela, c’est leur histoire, ce que nous retiendrons d’eux, ce que nous retiendrons d’elle, ce sont ces longues tablées sous les mimosas de l’allée des Genêts, les monceaux de langoustines, les crevettes vivantes jetées dans l’eau bouillante, les céteaux à pleine dents, ce que nous retiendrons d’elle c’est sa générosité infinie, l’accueil sans limite pour les enfants de ses enfants, puis leurs enfants et leurs enfants encore et encore, quatre générations issues de cette union, ils ne sont pas tous là mais ils pensent à elle et même s’il n’y pense pas tous resterons marqué à jamais par sa gentillesse, son besoin de leur faire plaisir, de nous faire plaisir quoique il arrive. La lignée va se poursuivre, elle ne verra pas les nouveaux entrants, elle qui aimait tant les bébés, ils ne la connaitront pas, elle ne sera qu’une photo d’identité au sommet de l’arbre des Bettès, alors ce sera à nous de raconter l’histoire.

Elle va rejoindre notre père, notre grand-père, notre arrière-grand-père et arrière-arrière encore, cela n’arrête pas, Mélissa, Leevan, Noémie, Chloé, Eve, Lina, Cécile, Guillaume, Arthur, Tessa, Antoine, Arnaud, Mathieu, Camille, Nicolas, Olivier, Julie, Marie, Zélie, Garance, Rachel. Elles sont toutes là, ils sont tous là, partie intégrante de ce corps qui s’en va, de son esprit qui reste.

Sa vie ne fut pas simple, ou peut-être trop simple, uniquement consacrée à ses enfants, à nos enfants puis aux derniers moments de son mari, notre père, notre grand-père. La fin non plus ne fut pas simple, emmurée par une solitude devenue trop pesante, loin des tablées bruyantes, des promenades en forêt, des coucher de soleils. Il lui restait les visites toujours trop rares, le gout des fraises trop mûres et les promenades de son chat; alors gardons nos souvenirs, ces étés flamboyants où entourées de tous elle gardait pour chacun un sentiment profond pas toujours exprimé; gardons cette folie des repas à quatorze sur une table trop petite sous un soleil de plomb, ces rêves d'une vie meilleure à jamais repoussée, mais la vie était belle, oui la vie était belle.